Marina Petrella : simplement respecter le droit
Je me suis rendue, le 19 juin dernier ? Villejuif, ? l’hôpital Giraud, pour y exercer le droit de visite que la loi accorde aux parlementaires. Je souhaitais constater par moi-même dans quelles conditions y séjourne Marina Petrella, hospitalisée d’office depuis le 12 juin dernier. Me Terrel, avocate de Marina Petrella, et les membres de son comité de soutien m’avaient alertée sur la situation, qu’ils jugeaient très préoccupante. J’ai pu voir ? quel point, hélas, ils disaient vrai.
Marina Petrella est cette ancienne membre des brigades rouges italiennes qui, comme tant d’autres, a rompu avec les armes il y a près de trente ans, puis trouvé l’asile en France. François Mitterrand, alors Président de la République, avait engagé sa parole : ? celles et ceux qui renonçaient ? la violence, la possibilité de refaire leur vie. Et, pendant près de vingt ans, ils ont été quelques dizaines ? bénéficier de l’asile. La parole a été rompue lorsque la France a commencé ? répondre favorablement aux demandes d’extradition de l’Italie. C’est ainsi que Marina Petrella a été arrêtée, en août 2007. Par hasard : c’est elle qui s’est rendue dans un commissariat, pour y déposer plainte. Elle n’en est ressortie que pour entrer ? la prison de Fresnes, menacée d’extradition.
Depuis, et l’administration pénitentiaire l’admet elle-même, sa santé s’est très fortement dégradée, allant jusqu’? mettre sa vie en jeu. C’est la raison pour laquelle, pour la deuxième fois en quelques mois, l’administration a ordonné son hospitalisation.
Aujourd’hui, Marina Petrella vit, presque 24 heures sur 24, entre les murs nus d’une pièce minuscule. Il ne s’y trouve rien, sauf une bouteille d’eau. Ni télévision, ni radio, ni journaux, ni livres. Marina Petrella n’a, il est vrai, même pas pu conserver ses lunettes. Sortir est impossible, puisque la loi impose que, pour quitter sa cellule, la détenue soit accompagnée de deux infirmiers… soit la totalité des personnels du service ! Elle ne sort donc pas. Je vous laisse imaginer sa joie lorsque j’ai pu lui transmettre quelques journaux que le médecin s’est engagé ? lui laisser lire.
J’ai pu le constater, au cours d’un tête ? tête de près d’une heure avec elle : Marina Petrella traverse un très profond épisode dépressif, et n’a plus le goût de vivre. Au point de préférer ne pas voir ses filles plutôt que de ne pas savoir ? quoi ressemblera la prochaine visite, plutôt que de revivre encore et encore la détresse de l’incertitude. Toutefois, et le Docteur Lachaux, chef du service avec lequel j’ai pu m’entretenir le confirme, Marina ne présente pas de pathologie mentale. Sa dépression est liée ? la situation dans laquelle elle se débat, et ? laquelle elle n’imagine pas d’issue.
Je ne souhaite pas faire de cette situation une affaire politique. Il ne s’agit pas de demander un traitement de faveur, même au nom de la parole donnée. Ce que je souhaite, ce que j’ai demandé ? Rachida Dati dans une lettre restée jusqu’ici sans réponse, c’est le simple respect du droit. La France peut refuser d’extrader Marina Petrella vers l’Italie : la Convention européenne d’extradition stipule que « l’extradition pourra être refusée si la remise est susceptible d’avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison de son âge et de son état de santé». C’est manifestement le cas ici, et l’on ne comprend pas pour quelle raison le gouvernement persiste ? ne pas l’entendre.
Je le redis : je ne demande aucun traitement d’exception. Mais je constate que tout, dans la situation faite ? Marina Petrella, laisse penser qu’un traitement d’exception prévaut bel et bien : les conditions de ce qu’on n’ose plus appeler une « hospitalisation », le refus opposé ? son avocate d’accéder au dossier médical de sa cliente, la négligence de son état de santé ; tout cela montre bien que, pour la France, Marina Petrella n’est pas une détenue comme les autres. C’est cet acharnement qui constitue un objet de scandale, alors que devraient simplement prévaloir l’application de la loi et, au del? , le respect dû ? la personne humaine, fût-elle privée de liberté.