Transports publics en Ile de France : desserrer la contrainte
La revue Transport Public publie ce mois-ci, dans le numéro qu’elle publie ? l’occasion du troisième salon européen Transports Publics, le point de vue de Dominique Voynet.
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Desserrer la contrainte, au plus vite
L’ascension était prévisible. Pour autant, l’affolement des cours surprend encore ceux qui, obstinément, n’avaient rien vu venir : ? 130, 140 dollars le baril de pétrole, dans quel monde entrons-nous ? A près de 1,50 euro le litre de carburant, comment allons-nous faire ? Comment s’adapter, puisque nous ne pouvons plus ni négocier ni retarder le choc ? Dire que les transformations nécessaires seront lourdes relève de l’euphémisme. Faute d’avoir anticipé, nous sommes aujourd’hui conduits ? « économiser le pétrole ? la hate », selon la formule de l’Agence internationale de l’énergie ; bref, on improvise, on bricole sans vision, on ne prévoit jamais le coup d’après, comme en témoigne la gestion du conflit des pêcheurs par le gouvernement.
Lorsqu’ils écriront, dans trente ans, l’aveuglement de notre époque aux multiples signaux d’alerte qui la secouent, les historiens feront sans doute leur bonheur de ces douze mois où le cours du baril est passé de 60 ? plus de 120 dollars. Et sans doute noteront-ils qu’il aura fallu du temps pour tirer des leçons de cette flambée. De ce point de vue, le dossier des transports franciliens est éclairant.
Région capitale où la mobilté conditionne l’accès ? l’emploi et au logement, l’Ile de France voit ses habitants frappés comme ailleurs par les prix du carburant, d’une part, et par le sous-investissement dramatique qui a tenu lieu si longtemps de politique des transports collectifs. Les usagers de la ligne 13 du métro, au bord de l’explosion, pourraient faire figure de symbole : voil? des années que le diagnostic est posé, et des années que s’empilent les annonces et les grands engagements. Au del? , que dire de l’état des liaisons de banlieue ? banlieue ou de certaines dessertes RER ? Avec les syndicalistes de la RATP et de la Sncf, les associations d’usagers ont pourtant, dans la plupart des cas, alerté de longue date sur les carences constatées. Elles commencent seulement d’être entendues.
A ce stade, est-il permis de dire que l’imprévoyance devient coupable ? Un récent rapport du Sénat notait ainsi que les transports représentaient « 27,7 % de l’enveloppe globale des investissements publics en 2006, contre 37% dix ans plus tôt ». Etre ? la hauteur des enjeux imposera donc d’être audacieux, de ne surtout pas manquer d’ambition. Mais cela ne devra, jamais, empêcher de réfléchir ? hauteur d’homme. De tisser les solutions au plus près des besoins, de faire en quelque sorte le changement dans la précision.
Elue de Seine-Saint-Denis, je sais depuis combien de temps l’on promet ? ses habitants, par exemple, le prolongement de telle ligne de métro. Et je sais que, si cela devait se faire, cela prendrait encore beaucoup de temps. C’est pourtant sans attendre qu’il faut mettre en oeuvre des mesures – même plus modestes – qui soulagent la vie quotidienne des habitants, les aide ? desserrer la contrainte qu’impose la dépendance ? a voiture l? où n’existe ni métro, ni bus, ni Vélib.
L’état des lieux est connu, et les réponses qu’il appelle sont coûteuses. Cela suffirait ? déduire que, d’une part, on ne pourra pas tout faire et surtout pas tout en même temps, puisque ni les délais ni les budgets ne le permettent, et, d’autre part, que chaque dépense devra être évaluée, plus que jamais, au crible de son utilité réelle sur le long terme. Autrement dit, la sagesse imposerait de revoir tel ou tel pharaonique projet d’infrastructure routière, telle ou telle perspective de desserte expresse d’un aéroport, tel ou tel énième mirage. Il est temps, en fait, d’admettre que les millions d’euros sacrifiés ? faire comme avant (des routes, des rocades et des voies rapides), ? faire comme si rien n’avait changé si profondément et si durablement, seront des millions absurdement gaspillés, et doublement. Parce que, le temps de leur mise en service, ces infrastructures seront déj? obsolètes, et que leur réalisation aura empêché – ou au moins freiné – le choix de solutions alternatives qui auraient, elles, été plus utiles.