Sarkozy, un an

Le triomphe semble loin. Quand les unes des magazines allaient ? l’éloge, pas aux frasques. S’écrivait alors le récit d’un Président qui, élu avec l’or entre les mains, allait changer la France.

Volontariste et moderne, il savait emprunter s’il le fallait les « meilleurs » du camp d’en face. Rassembleur, pour le seul service de la France, pour l’intérêt supérieur de la Nation, évidemment pas pour de médiocres raisons politiciennes. Il était au-dessus de tout cela, il était mieux que cela. Vous vous souvenez ? Du Président joggueur, père aimant et mari transi. Il fallait que le pays voie son bonheur. Du Président actif, réformateur compulsif, meilleur camelot de lui-même. Aux français, il racontait une belle histoire, pleine de souffle, de rythme, de nouveauté. De vivifiantes batailles s’écrivaient en continu, flux d’informations rapides, l’une chassant l’autre. Sarkozy est l? , puis l? , et ici. Il parle, décide, tranche, agit. Le Président partout, sur tout sujet. Vous vous souvenez ?

Et puis, la chute.

Un an après, l’histoire a fait pschiiiit. Et suscite un feu d’artifice de commentaires. Tout a été dit, au point qu’on se demande s’il faut en rajouter. Que dire d’original, après tout, sur Nicolas Sarkozy, un an après, au milieu de tant d’analyses et d’enquêtes saluant l’anniversaire ?

Et pourtant : je suis frappée, comme écologiste, de cette constance présidentielle ? n’occuper que le présent, ? ne se sentir concerné que par ce qui se passe dans l’instant. La politique circonscrite ? l’actualité du jour. Ni passé ni avenir, ni lecture de l’Histoire ni vision du siècle ? venir : peut-on gouverner comme cela ? Et peut-on préparer un pays aux défis proprement historiques qui l’attendent, et attendent le monde ? Dérèglement climatique, crise de l’énergie, désordres économiques et financiers : ces questions dépassent tout de même l’horizon d’une seule journée. Elles ont même quelque chose ? voir avec une éventuelle « politique de civilisation », telle qu’évoquée par le Président lors de ses vœux de fin d’année, avant qu’il ne passe, pas vu pas pris, ? autre chose.

Nicolas Sarkozy a semblé oublier chaque jour ses déclarations de la veille. Lyrique au Grenelle de l’environnement, mais représentant de commerce du nucléaire français dans le monde ; heureux d’accueillir Al Gore, prix Nobel de la Paix et lanceur d’alerte globale pour le climat, mais ne mégotant rien de son soutien aux vieux lobbies de la route, du tout-voiture ou de l’agro-industrie ; soucieux de beaux discours aux ouvriers, mais jouisseur des villégiatures de ses amis milliardaires. __ Libérez Sarkozy, il est prisonnier du présent.__ Et lorsqu’il se retourne sur l’année écoulée, il est désarmant. Ainsi, lors de son intervention télévisée, où il notait que le baril de pétrole avait, en un an, doublé de prix. Et ? Et rien. Rien. Il n’en tire aucune leçon politique, pratique, concrète. Incapable d’envisager le nouvel état du monde, d’anticiper ce qui est en train de changer et ce qu’il nous faudra modifier de nos modes de vie, il est probablement persuadé que la crise des matières premières est passagère et que le pétrole finira bien par redescendre. C’est cela le plus frappant : ce Président qui se veut si moderne est, au fond, un homme d’avant-hier.

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