Refonder le capitalisme, disent-ils

L’affolement persiste. Les places boursières du monde, passé le soulagement des plans de sauvetage, chutent de plus belle. Faut-il s’en étonner ? Cet effondrement n’avait-il pas été prévu, et tant de fois annoncé ? Nous y voil? . La réponse du gouvernement français se veut ambitieuse, forte, exigeante. Refonder le capitalisme, rien de moins. Dois-je le dire ? Je doute. De l’efficacité des réponses proposées, bien sûr, mais aussi de la conversion des libéraux d’hier en néo-régulateurs.

Je n’ai pas voté le plan de 360 milliards au secours du secteur bancaire, présenté il y a dix jours au Parlement. Sauver le crédit aux entreprises et aux particuliers ? Evidemment. Accepter, sous le prétexte de cette urgence, de soutenir un plan qui se borne au rafistolage, certainement pas.

Je n’ai guère confiance en ceux qui nous proposent aujourd’hui de gérer une crise dont ils avaient obstinément refusé l’idée même qu’elle pût survenir. Et je ne pense pas que le plan adopté soit de nature ? nous sortir de cette crise. De quoi s’agit-il, après tout ? De remettre de l’argent dans une bassine percée, sans même chercher ? colmater les trous. Aucune condition n’est posée, en termes de gouvernance, d’impact social ou environnemental, aux établissements que l’on se propose de généreusement renflouer. On chercherait en vain, dans le plan, la moindre traduction concrète des discours martiaux du chef de l’Etat, sur le soutien ciblé ? l’économie réelle, la régulation des marchés ou la lutte contre les paradis fiscaux.

Je suis choquée, pour ne pas dire plus, de tant d’excès et de si peu de morale. Quand 3 000 milliards d’euros sont injectés dans le sauvetage du système bancaire mondial, combien pour conjurer la certitude du changement climatique ? Combien faudrait-il pour remédier ? la crise alimentaire mondiale ? Le dixième ? Même pas. Selon les Nations Unies, 1% suffirait ? sortir l’humanité de la faim. On ne les trouve pas.

Alors quoi ? Il faudrait voter les dépenses, et espérer qu’on s’occupera du reste ensuite ? L’air est hélas connu, et les promesses n’engagent que ceux… Ceux qui promettent aujourd’hui le grand soir pour demain en restent au libéralisme le plus orthodoxe : privatisation de la Poste, travail le dimanche, rabotage des ambitions du Grenelle de l’environnement… Nul besoin de courir après l’extrême-gauche pour s’indigner : la pauvreté des moyens alloués ? la loi Boutin sur le logement, adoptée récemment par le Sénat, en dit long sur les ambitions gouvernementales.

La gauche et les écologistes ont intérêt, dans les mois ? venir, ? ne pas s’y tromper : en France comme en Europe, les droites qui prétendent désormais « refonder le capitalisme » persistent dans leurs objectifs. Elles restent convaincues, comme les républicains américains, que les compromis sociaux nés depuis l’après-guerre constituent autant d’entraves au marché. Leur volonté régulatrice est… modeste, comme en témoigne leur inaction en matière de dérèglement climatique, dont les conséquences seront au Nord comme au Sud payées par les plus fragiles. Si la gauche réformiste ne veut pas voir l’impuissance protestataire répondre seule au désastre, elle doit, pour reconstruire l’espoir, devenir enfin écologiste et européenne.

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