Questions cribles thématiques : utilisation du Flashball et du Taser par les forces de police
Dominique VOYNET est intervenue lors de la séance de questions cribles thématiques du 25 janvier.
Monsieur le ministre, l’utilisation des nouvelles armes de quatrième catégorie – pistolets ? impulsion électrique et lanceurs de balles de défense –, autorisées en France depuis quelques années, nous conduit ? nous interroger très sérieusement.
Quand ces armes ont été autorisées, on nous a expliqué qu’elles permettraient d’éviter l’usage de certains moyens conventionnels d’intervention des forces de l’ordre, notamment des armes ? feu, et donc d’épargner des vies. Elles avaient en commun, disait-on alors, d’être « non létales ». Je pense que cette qualification a rassuré de façon excessive un certain nombre de nos fonctionnaires de police, parce que la réalité est bien sûr plus complexe : si elles peuvent exceptionnellement tuer, ces armes sont, plus fréquemment, susceptibles de blesser et handicaper durablement.
Au-del? d’une formule séduisante, je crois donc que nous devons regarder la réalité en face : chaque mois nous apporte la preuve de la dangerosité de ces équipements. À Montreuil, ville dont je suis maire, en l’espace de dix-huit mois, deux jeunes hommes ont été gravement blessés par des tirs de Flashball émanant des forces de l’ordre. L’un y a perdu un œil, l’autre a déj? subi trois interventions chirurgicales et en gardera des séquelles durables au visage.
Dans aucun de ces deux cas, l’attitude des victimes n’était en cause : en clair, les fonctionnaires de police ne se trouvaient pas en état de légitime défense et ils n’ont pas respecté les consignes d’emploi de ces armes. Dans les deux cas, ils ont tiré au jugé, dans le tas, alors qu’ils étaient chargés de maintenir l’ordre ? l’occasion d’une manifestation sur la voie publique et ne se trouvaient nullement dans une situation où ils auraient eu ? affronter des délinquants dangereux.
Pour lever toute ambiguïté, j’ajoute que l’utilisation de ces armes met en péril non pas seulement les personnes qui y font face, mais aussi nos propres forces de l’ordre. L’imprécision de ces armes, la gravité des blessures qu’elles causent, le manque évident de formation des agents – vous n’avez pas précisé ce point, monsieur le ministre, mais je crois que l’on offre au maximum deux demi-journées de formation ? ces personnels – ainsi que l’extrême difficulté ? respecter, dans l’urgence, des conditions très restrictives d’usage exposent ceux qui les manient ? des risques juridiques et moraux disproportionnés.
D’ailleurs, des deux policiers qui sont en cause dans les affaires de Montreuil, l’un a été mis en examen et l’autre ne manquera pas de l’être. Est-ce bien ce que nous souhaitons ?
Combien de temps encore accepterons-nous que nos concitoyens soient mis en danger par l’équipement de ceux qui sont censés les protéger ? Combien de blessés, combien de morts faudra-t-il avant que l’on ne reconnaisse l’inadaptation et la dangerosité de ces armes pour la surveillance des manifestations de voie publique
L’alternative aux armes ? létalité réduite, ce sont les armes ? feu, avez-vous dit ; pour ma part, je considère que, s’agissant de la surveillance des manifestations, ce sont des effectifs plus nombreux, bien encadrés et bien formés.
Monsieur le ministre, il vous appartient aujourd’hui d’agir en limitant drastiquement l’usage de ce type d’armes et en mettant l’accent sur le renforcement des effectifs, sur la formation et sur l’inscription des forces de l’ordre dans une logique de proximité.
J’ajoute un mot sur les polices municipales et j’en aurai terminé, monsieur le président.
Monsieur le ministre, vous avez souligné qu’un décret récent alignait la formation des polices municipales sur celle de la police nationale pour ce qui concerne l’utilisation de ces équipements. Je considère qu’il y a l? une confusion des rôles et des missions qui ne répond pas du tout ? nos souhaits.
Ainsi, vendredi dernier au soir, ? Montreuil, c’est la police municipale qui a dû procéder ? la neutralisation de trois malfaiteurs qui avaient pris en otage un commerçant et menaçaient de violer son épouse. La police nationale est arrivée vingt minutes plus tard, monsieur le ministre.