La Chine: AREVA et l’EPR
Soucieuse de faire oublier l’échec de l’EPR en Finlande – deux ans de retard, une facture alourdie d’au moins 50 %, des erreurs manifestes de conception et de conduite du chantier – AREVA tente depuis quatre ans de vendre d’autres réacteurs ? la Chine. L’entreprise a vendu la peau de l’ours, ou plutôt du panda, ? plusieurs reprises… suscitant ? chaque fois une belle campagne de communication dans des médias peu soucieux de vérifier la réalité des faits et la précision des infos fournies par AREVA elle-même. Et des commentaires enthousiastes de ceux qui y voient – la méthode Coué, encore… – l’irréfutable preuve d’une renaissance du nucléaire ? l’échelle planétaire.
Alors, puisqu’il faut le préciser, précisons le : les deux réacteurs EPR, qu’AREVA a annoncé (? nouveau) hier avoir vendus ? la Chine, ? l’occasion du déplacement « commercial » (puisque les droits de l’Homme y furent évoqués de façon si subtile qu’Amnesty international dénonce ce voyage « désolant » ) du président de la République, avec Rachida Dati ( ?) et sans Rama Yade ( !), sont bien les mêmes que ceux dont on parle depuis quatre ans !
Et l’entreprise d’insister sur le caractère historique de la vente… Cocorico ! Cocorico ? Est-ce une bonne nouvelle ? Pour le savoir, il faut être précis et curieux. D’abord, il n’est techniquement pas question de «contrats », mais de « protocoles d’accord », dont la finalisation reste soumise ? de nombreux aléas. Ensuite, AREVA n’a pas vendu de centrales EPR, mais strictement les îlots, c’est-? -dire la chaudière et les installations liées au combustible. L’électricien chinois, CGNPC, dispose de toute la latitude pour rechercher d’autres partenaires dans la construction complète des deux réacteurs. Enfin, c’est EDF qui devra supporter une bonne partie de la facture : dans l’accord « global » conclu par AREVA avec la Chine, l’électricien français devra créer avec l’électricien chinois une société commune pour l’exploitation de la centrale, dont EDF prendra un tiers. De fait, c’est EDF qui finance le triomphe d’AREVA. On comprend mal la logique industrielle ou économique de cette vente, A tout le moins, les conditions de celle-ci méritent d’être éclaircies : sur les conditions d’approvisionnement en combustible, sur les conditions suspensives et de finalisation des accords signés, enfin sur les coûts réels de l’opération et sur leur éventuelle prise en charge par la COFACE, c’est-? -dire par le contribuable français.
Avec 11 réacteurs, la Chine produit moins de 2 % de son électricité ? partir du nucléaire. Deux réacteurs de plus ne changeraient évidemment rien ? cette évidence : le nucléaire n’est pas une solution pour le climat. Son coût est extravagant, il ne répond qu’? une toute petite partie des besoins énergétiques, au prix de problèmes graves non résolus, de sûreté, de déchets, de prolifération… et il exige des délais importants de mise en œuvre. La France doit cesser de confondre, dans ses relations avec ses partenaires, les intérêts financiers et industriels d’AREVA avec la réalité des besoins énergétiques des pays et l’impératif de lutter contre le changement climatique.
Alors, faut-il se réjouir d’un « contrat » qui coûterait, ? la Chine comme ? la France, plusieurs milliards d’euros en pure perte ? Poser la question, c’est y répondre.