Immigration : la discrimination faite loi
A l’issue d’une longue séance de nuit, le Sénat a adopté le projet de loi « relatif ? la maîtrise de l’immigration, ? l’intégration et ? l’asile ». «Moins ambitieux que les grandes lois de 2003 et 2006», d’après le gouvernement (sic), le projet n’en durcit pas moins les conditions du regroupement familial, et rogne les droits des demandeurs d’asile.
Faut-il revenir ici sur l’article qui autorise les tests ADN sur les candidats au séjour ? Voté ? l’Assemblée, rejeté par la Commission des Lois du Sénat (qui a dit que les sénateurs ne servaient ? rien ?), amendé et réamendé en plénière, il a suscité une forte mobilisation, au-del? du cercle de ceux qu’on caricature parfois en « droits-de-l’hommistes ». J’ai bien sûr signé l’appel de Sauvons la Recherche http://tmp.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article1625 et celui, commun, de SOS Racisme et de Charlie Hebdo (http://www.touchepasamonadn.com), publié dans Libération.
Mais les tests ADN, c’est l’arbre qui cache la forêt. De fait, on a peu parlé de l’obligation faite aux conjoints et enfants d’un résident, d’apprendre le français avant leur arrivée dans notre pays (alors que si peu de moyens sont mobilisés pour faciliter l’apprentissage de la langue ici, et qu’il est même impossible ? des demandeurs d’asile d’avoir accès aux cours pendant la phase d’instruction de leur dossier…) ou de l’exigence d’un seuil de ressources supérieur au SMIC pour l’étranger qui espère faire venir sa famille. On a ? peine signalé la légalisation en catimini des statistiques ethniques (je ne suis pour ma part pas hostile aux « statistiques de la diversité », si elles permettent de quantifier des discriminations, ? condition qu’elles soient encadrées sérieusement par la CNIL). Rien non plus de l’interdiction d’accueillir des sans papiers dans un hébergement d’urgence, parfaitement inhumaine si on considère qu’un hébergement d’urgence, c’est fait pour… les situations d’urgence justement !
Ce qui, dans le fond me choque le plus, dans cette série de lois sur l’immigration, ce sont les arrière-pensées qu’elles dissimulent, et les messages subliminaux qu’elles véhiculent, légitimant toutes les injustices, toutes les discriminations, dans la recherche d’un logement ou ? l’embauche, ? l’entrée des boites de nuits ou lors des contrôles d’identité. Le ministre n’a évidemment justifié les restrictions ? l’immigration que par la volonté de mieux « intégrer » les populations accueillies ici. Bien. Bien, sauf que… Je vis dans le département de France qui compte le plus d’étrangers, et de Français d’origine étrangère, et je n’ai pas le sentiment que ces personnes, mes voisins, mon boulanger, mon pharmacien, les parents des camarades de classe de ma fille, bref mes concitoyens, ne font pas partie « intégrante » de la France. Et puis, les mots ont un sens… Quand le ministre dit : « le test ADN serait utile dans les pays qui n’ont pas un service d’Etat civil fiable », on comprend qu’il ne s’inquiète pas pour la Suisse ou le Canada ! Et qu’on s’indigne en Afrique ! Comme l’a très bien rappelé Alima Boumédiène-Thierry, sénatrice verte, au cours de la discussion du projet de loi au Sénat (http://alima-boumediene.org), le droit ? vivre en famille s’impose ? notre droit national, comme du reste l’ensemble des droits humains inscrits dans le droit international. Tant que notre politique de l’immigration ne se fondera pas sur le respect de ces droits, la France ne pourra pas vivre en paix avec sa diversité, et avec son Histoire.
Ps : au fait, le correcteur orthographique de mon ordinateur a immédiatement souligné Alima en rouge alors que Thierry était bien compris…