Et maintenant, inventer la suite !
C’est gagné. Barack Obama sera le prochain président des Etats-Unis. Il est déj? le visage d’un phénomène global inédit, qui a vu des millions d’hommes et de femmes, dans le monde entier, se passionner plus qu’ils ne l’avaient jamais fait, pour l’élection américaine. Et espérer ardemment sa victoire.
Hier soir ? Chicago – cette nuit, pour qui a suivi de France l’évènement en direct – Obama a prouvé une fois de plus son extraordinaire faculté ? trouver les mots justes. Grand talent, qui faisait dire ? Toni Morisson qu’Obama était, rien de moins, «? un poète? », doué d’une vision et d’une «? imagination créatrice? ». Il a fait de trois mots – yes we can – la bande-son d’une campagne, et probablement d’un plus long moment. On a forcément envie d’y croire ! On n’est pas obligés, pour être lucides et reconnaître l’extraordinaire difficulté de la tâche, de se forcer au scepticisme. Acceptons d’admirer, avant d’escalader d’autres sommets, ce que nous avons déj? franchi.
Oui, la responsabilité qui pèse sur Obama est immense. Il a porté – il porte – une espérance qui va bien plus loin que lui-même, et il est légitime de se demander comment il pourra remplir sa promesse. Mais son élection, au pays de l’esclavage et de la ségrégation, a déj? changé le monde. Elle donne ? l’Amérique un autre visage, et c’est une mutation plus qu’encourageante.
Je ne suis ni naïve ni emportée par la grâce d’un seul instant, fût-il magique. J’ai vu l’émotion de Jesse Jackson et la joie des foules métissées de New-York et d’ailleurs. J’ai partagé, cette nuit, ce matin, l’une et l’autre. Mais je ne veux pas que nous en restions l? . Nous ne pouvons pas nous contenter d’être les spectateurs, d’autant plus déçus demain que nous aurions été exaltés aujourd’hui, de la révolution américaine : ? nous maintenant d’inventer ici, en France et en Europe, le changement qui va avec nos vies, nos difficultés et nos aspirations. A nous d’inventer nos propres bandes-son, nos propres yes we can.
Dans les derniers mots de son discours, Barack Obama évoquait hier cette électrice noire de 106 ans. Cette femme porte en elle la mémoire vive de deux siècles : ses grands-parents étaient esclaves, mais elle voit aujourd’hui un homme noir qui pourrait être son petit-fils accéder ? la présidence de son pays, sous les yeux du monde. Lorsque nous buterons sur une impasse, lorsque nous nous dirons que les mutations ? engager sont trop lourdes et que nous serons tentés de nous décourager, nous pourrons penser ? cette femme. Elle nous rappellera que même l’impensable est possible.