« Energie : l’entêtement nucléaire retarde les bons choix » – Tribune de Dominique Voynet et Mickaël Marie dans Ouest-France

Energie : l’entêtement nucléaire retarde les bons choix


L’EPR est donc stoppé, au moins provisoirement. Mardi dernier, l’Autorité de sûreté nucléaire a ordonné l’arrêt des travaux engagés ? Flamanville, dénonçant un « manque de rigueur inacceptable ». Ce réacteur nucléaire dit de « nouvelle génération » était la veille encore présenté par le Président de la République comme une solution d’avenir face ? la crise du pétrole.

Aucun de ses conseillers, aucun des ministres qui constituent aujourd’hui sa « garde rapprochée » ne semble avoir expliqué au Président que ni les voitures ni les bateaux de pêche, ni les tracteurs ni les ambulances, ne roulent avec du plutonium. Aucun non plus n’a su lui dire que le pétrole ne sert pas uniquement de carburant, et que, dans la chimie ou le textile, il ne pourra pas non plus être remplacé par l’énergie nucléaire.

Arc-boutée sur ses choix d’hier et d’avant-hier, la France continue pourtant de miser sur le recours massif au nucléaire. Elle est prête pour cela ? investir des moyens considérables, sans être très pointilleuse sur l’efficacité de la dépense.

Voyons les faits tels qu’ils sont : outre qu’il est dangereux, ce qu’on ne dira jamais assez, le choix du nucléaire ne répond ? peu près ? aucune des questions qui nous sont posées. Le carburant trop cher ? Le nucléaire produit de l’électricité, pas de l’essence. Imaginons qu’on décide d’électrifier l’ensemble du parc automobile français, en faisant – pure hypothèse d’école – abstraction des coûts engendrés et de la faisabilité technique – il faudrait vingt ans pour y parvenir. Vingt ans pendant lesquels nous serions exposés de plein fouet ? la flambée du baril de pétrole. Le dérèglement climatique ? Les émissions de gaz ? effet de serre qui le provoquent sont le fait d’activités dans lesquelles le nucléaire n’est d’aucun secours, l’agriculture par exemple.


Et puis, il y a le coût de la technologie, qui la rend inabordable pour la plupart des Etats du monde et qui réduit les marges de manoeuvre budgétaire de ceux qui peuvent se l’offrir. Et les délais de mise en service, trop longs. Or, c’est maintenant que nous avons besoin de changer de cap en matière d’énergie, pas dans vingt ans.

Comme les agro-carburants, ou les OGM, le nucléaire est l’un de ces mirages qui ne font que retarder le moment crucial de la prise de conscience, et du passage ? l’acte. Il faut l’admettre pourtant : il n’y a pas de solution miracle qui résoudrait, avec le seul secours d’innovations techniques, tous les problèmes que nous pose l’entrée dans un monde nouveau, où les enjeux énergétiques ne se posent plus de la même manière.

En décidant l’arrêt des travaux, l’Autorité de sûreté nucléaire ouvre une brèche. Il faut la saisir, engager une mutation inéluctable et faire enfin le choix de l’efficacité, budgétaire et énergétique.

Dominique Voynet, sénatrice de Seine-St-Denis, maire de Montreuil
Mickaël Marie, secrétaire régional des Verts de Basse-Normandie

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