57 afghans menacés d’expulsion : Dominique Voynet saisit Brice Hortefeux, Ministre de l’Immigration
Cinquante-sept ressortissants afghans sont actuellement retenus au Centre de rétention de Coquelles, dans le Nord Pas de Calais, dans l’attente de leur expulsion. Compte tenu de ce que sont les conditions de sécurité des personnes aujourd’hui en Afghanistan, une telle opération d’expulsion groupée serait, selon Dominique Voynet, « indigne ».
Ci-après, le texte de son courrier ? Brice Hortefeux, Ministre de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.
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Monsieur le Ministre,
Depuis plus d’une semaine, cinquante-sept ressortissants afghans sont retenus au centre de rétention administrative de Coquelles, en vue de leur expulsion vers l’Afghanistan.Depuis plus d’une semaine, les associations de protection des droits humains se sont indignées de cette situation.
Vous avez, Monsieur le Ministre, récemment démenti le projet d’une expulsion groupée de ces ressortissants. Les informations dont disposent les associations font toutefois état de l’imminence bien réelle d’un « vol groupé » qui, le 18 novembre, partira de Londres, transitera par Lille puis Bakou, avant de se poser, le 19, ? Kaboul.
La reconduite vers l’Afghanistan est une pratique que les autorités françaises se sont, ? quelques rares exceptions près, interdites depuis de nombreuses années, dans la mesure où la sécurité des personnes ne peut y être garantie, aujourd’hui moins que jamais. Le gouvernement choisit le pire des moments pour cette expulsion : il n’y a jamais eu autant de civils tués dans ce pays depuis la chute des taliban ; l’Afghanistan est menacé par la famine ; tout indique, enfin, que des Afghans expulsés par l’Australie ont été assassinés l? -bas par les taliban, il y a moins d’un mois.
Vous prenez donc, Monsieur le Ministre, une très lourde responsabilité en exposant les Afghans expulsés de France ? la mort.
Des milliers d’Afghans, qui ont été forcés de revenir d’Iran et du Pakistan, vivent actuellement dans des camps de fortune et ne peuvent regagner leur village. Faute d’autres moyens de subsistance, certains sont contraints de basculer dans la rébellion. Je ne comprendrai pas que les autorités françaises contribuent, par une politique d’expulsions ? usage strictement interne, au renforcement de la rébellion fondamentaliste en Afghanistan.
J’ajoute que ces opérations d’éloignement violent plusieurs dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), ? commencer par son article 3 qui interdit d’exposer quiconque ? des traitements dégradants et inhumains. Elles sont également contraires ? l’article 4 du Protocole 4 de la CEDH, qui affirme clairement que les « expulsions collectives d’étrangers sont interdites ».
Je ne saurai trop vous inviter ? méditer ces paroles de l’écrivain franco-afghan Atiq Rahimi, récent lauréat du Prix Goncourt : «? Les renvoyer dans leur pays, c’est les condamner ? un avenir incertain, c’est prendre le risque de les laisser aux mains des fondamentalistes qui détournent le désespoir de cette jeunesse ? des fins religieuses extrémistes? ». «? En offrant l’asile ? ces jeunes, ajoute-t-il, comme elle le fit pour moi en 1985, la France les aidera ? poursuivre leurs études et ? ne pas tomber dans l’abîme de l’ignorance? ».
Je vous demande donc de renoncer ? cette expulsion indigne, qui porte une atteinte grave aux Droits de l’Homme, n’ait pas lieu, et que la France s’interdise toute expulsion d’exilés afghans.
Dans l’attente d’une réponse de votre part, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, ? l’assurance de ma considération distinguée.
Dominique VOYNET